Lorsqu’on pense à l’autodéfense, on imagine souvent des coups, des projections ou des clés de bras. Pourtant, une grande partie de la prévention des agressions repose sur des éléments qui précèdent tout contact physique : la gestion de la distance et l’autodéfense verbale.
Maîtriser ces deux aspects permet d’éviter l’affrontement avant même qu’il ne commence, d’affirmer ses limites avec assurance et, si nécessaire, de se préparer à une réponse physique plus efficace.
1. Gestion de la distance : élément crucial en autodéfense
Le contrôle de la distance est l’un des principes fondamentaux en autodéfense. En bref, celui qui contrôle la distance contrôle les dommages.
Un agresseur ne peut pas vous frapper, vous attraper ou vous maîtriser sans être à une certaine proximité. Si vous contrôlez la distance, vous limitez les opportunités d’attaque et augmentez vos chances d’éviter ou de gérer une situation dangereuse.
Et cela est valable, que vous soyez debout ou dans une altercation au sol !
Les trois zones de distance en autodéfense
Zone verte : Distance de sécurité
- Vous êtes à une distance où une attaque physique n’est pas immédiatement possible (distance de 2 bras tendus entre vous et l'agresseur).
- Vous avez le temps de réagir, fuir ou verbaliser vos limites.
- Cette distance permet de désamorcer la situation sans confrontation physique.
- Vous devez maintenir cette distance autant que possible si vous sentez qu'une personne représente une menace. Gardez toujours un contact visuel direct, même si elle tente de détourner votre attention (en vous demandant l'heure ou en vous montrant quelque chose ailleurs). Profitez de ce moment pour appeler à l’aide ou vous rapprocher de témoins si la situation le permet.
Zone rouge : Danger immédiat
- L’agresseur est suffisamment proche pour vous toucher, vous attraper ou vous frapper.
- Si vous êtes dans cette zone contre votre volonté, il est impératif de réagir rapidement pour reprendre le contrôle.
- Le bon réflexe est de se repositionner pour reprendre une distance sécuritaire (toujours avec un déplacement sécuritaire "en base"). Si l'agresseur s'est approché par surprise et se trouve à distance de bras, sans chercher à vous frapper, il est possible de créer de la distance rapidement, en effectuant une poussée puissante et contrôlée pour se reculer rapidement (power push).
Zone jaune : Contact contrôlé
- Si une attaque est imminente, et que vous ne pouvez pas l'éviter (l'agresseur est plus rapide), il peut être plus efficace de fermer la distance intentionnellement pour empêcher un coup puissant (ex. : en allant vers l’agresseur pour limiter ses mouvements).
- Cela permet de réduire la puissance d'impact et de subir des coups de moins grande amplitude, qui ont moins de chance de vous rendre inconsciente.
- Cette zone est souvent transitoire, elle permet d'amener l'agresseur au sol ou de s'en éloigner avec une poussée puissante et contrôlée pour permettre la fuite.
- Cela s’applique aussi au sol : une personne qui contrôle la distance peut mieux se défendre contre des coups puissants même au sol.
En résumé
Si vous pouvez rester dans la zone verte, faites-le. Si vous êtes forcé(e) dans la zone rouge, réagissez rapidement en augmentant la distance ou en neutralisant l’attaque.
2. L’autodéfense verbale : Fixer ses limites avec confiance
L’autodéfense ne commence pas avec les poings, mais avec des mots. L'autodéfense verbale peut permettre de désamorcer une situation et de tester les intentions réelles de la personne en face. Un individu respectueux prendra en compte votre refus, tandis qu’un agresseur potentiel ignorera, minimisera ou transgressera votre limite.
S’il insiste malgré votre affirmation, c’est un signal d’alerte clair : il ne vous respecte pas. À ce moment-là, il devient crucial pour vous de vous protéger de cette personne, que ce soit en renforçant la distance, en appelant à l’aide ou en vous préparant à une réponse physique si nécessaire.
Pourquoi l’autodéfense verbale est essentielle ?
- Elle permet de dissuader un agresseur avant qu’il ne passe à l’action.
- Elle permet de comprendre rapidement les intentions d'un agresseur s'il transgresse une limite clairement établie.
- Elle montre une posture de confiance, ce qui réduit les chances d’être perçu(e) comme une cible facile (voir la notion de Triangle de Victimisation).
- Elle peut alerter les témoins ou gagner du temps pour réagir.
Prendre l'habitude d'énoncer clairement ses limites
L’un des plus grands obstacles à l’autodéfense verbale est la peur de "déranger" ou de "sur-réagir". Beaucoup de femmes ont été conditionnées à être aimables, accommodantes et discrètes, ce qui peut les amener à hésiter à exprimer leurs limites de manière claire et ferme.
❌ Ce que beaucoup pensent :
- "Si je dis quelque chose, il va mal le prendre."
- "Je ne veux pas être impolie."
- "Peut-être que je me fais des idées."
✅ Ce qu’il faut comprendre :
- Fixer une limite ne signifie pas être agressive, mais être claire sur ce qui est acceptable pour soi.
- Si quelqu’un réagit mal à votre refus ou votre affirmation, ce n’est PAS VOUS le problème, c'est lui qui ne vous respecte pas.
- Vos limites sont valides, et vous avez le droit de les exprimer sans culpabilité.
Comment s’affirmer efficacement ?
Une bonne affirmation de soi en autodéfense verbale repose sur une stratégie en trois étapes qui permet d’exprimer ses limites de manière claire face à une personne intrusive ou menaçante. Cette approche permet d’évaluer les intentions de l’autre tout en rendant plus difficile l’ignorance ou la minimisation de vos limites. Cette stratégie s'utilise autant avec un inconnu rencontré dans un bar, qu'avec un collègue de bureau un peu trop insistant.
L’affirmation en trois étapes
- Déclarer le comportement problématique : Dites précisément ce que la personne fait qui vous met mal à l’aise.
Exemple : "Quand tu me poses des questions sur ma vie personnelle..." - Exprimer votre ressenti : Expliquez l’impact que cela a sur vous, sans vous justifier.
Exemple : "...ça me met mal à l’aise." - Indiquez ce que vous attendez de la personne : Verbaliser le comportement alternatif que vous vous attendez de l'autre personne.
Exemple : "J’aimerais que nous gardions nos conversations professionnelles."
Exemples de cette technique appliquée
"Quand tu te tiens aussi près de moi, je me sens inconfortable. Je veux que tu recules"
"Quand tu insistes après que j’ai dit non, ça me met mal à l’aise. J’aimerais que tu respectes ma décision."
"Quand vous continuez à me parler alors que j’ai dit que je ne suis pas intéressée, ça me met mal à l’aise. Je veux que vous partiez maintenant."
"Quand tu me coupes la parole, j’ai l’impression que mon opinion ne compte pas. J’aimerais pouvoir finir ma phrase avant que tu répondes."
"Quand tu commentes mon corps, je me sens jugée. Je veux que tu arrêtes ce genre de remarques."
"Quand tu insistes pour que je prenne un verre, ça me met mal à l’aise. Je veux que tu respectes mon choix et que tu arrêtes de m'offrir des verres."
"Quand tu dis que j’exagère, je me sens invalidée. J’aimerais que tu écoutes ce que je ressens au lieu de le minimiser."
"Quand tu poses ta main sur moi, je me sens agressée. Je veux que tu arrêtes me lâche immédiatement."
Autres points clés pour une communication claire
Utiliser un ton ferme et clair
- Parlez fort et distinctement en regardant la personne dans les yeux. Un ton hésitant ou trop doux pourrait être perçu comme un manque d’assurance.
- Exemple : "Ne me touche pas !" au lieu de "Je préférerais que tu ne me touches pas…"
Parlez au "je"
- Utiliser la première personne du singulier pour exprimer clairement ce que l’on ressent tout en affirmant ses limites. Cela évite d’adopter un ton accusateur et réduit les risques d’escalade dans une situation tendue. C'est une technique à utiliser aussi dans nos communications avec nos proches (conjoint(e), enfant(s), famille, collègues, ami(e)s, etc.).
- Exemples: "Je veux que tu t'éloignes" au lieu de "Tu es trop envahissant".
Éviter les négations
- Le cerveau humain a plus de mal à bien comprendre les "ne pas" que les directives affirmatives. Cette notion est souvent abordée dans la communication aux enfants, mais s'applique aussi aux adultes.
- Dire "Reste où tu es" plutôt que "n'avance pas" ou "lâche-moi" plutôt que "ne me touche pas"
Maintenir un langage corporel affirmé
- Regardez l’agresseur dans les yeux, sans nécessairement le défier. Vous êtes, autant que faire se peut, dans un état "calme-confiant".
- Tenez-vous droit(e), les pieds bien ancrés, avec vos mains relevées proches de votre torse, prêtes à repousser ou à vous protéger.
Répéter votre message si nécessaire
- Si la personne insiste, répétez votre consigne en augmentant progressivement le ton au besoin. Utilisez la stratégie du "Disque brisé"
- Exemple : "Recule." (pause) "Recule !"(pause) "Recule !" etc.
Ne pas argumenter ou justifier
- Plus vous discutez, plus l’agresseur peut chercher à vous manipuler ou vous déstabiliser. Vous n'avez PAS d'obligation à justifier une limite que vous voulez établir.
- Restez sur une phrase courte et directe.
Ignorer la pression sociale
- Parfois, un agresseur essaiera de minimiser vos limites : "Mais allez, c’est juste une blague !"
- Ne tombez pas dans ce piège. Vos limites sont légitimes, en tout temps !
3. Associer gestion de la distance et autodéfense verbale
Le véritable pouvoir vient de la combinaison des deux éléments :
✔ Fixer verbalement ses limites avant qu’un contact physique ne se produise.
✔ Utiliser la gestion de la distance pour éviter l’affrontement.
✔ Si la distance est franchie malgré tout, être prêt(e) à réagir.
Exemple de scénario : Harcèlement dans un lieu public
Une femme marche dans la rue lorsqu’un homme commence à la suivre et insiste pour lui parler.
Elle établit immédiatement une distance de sécurité et s’arrête pour lui faire face. Elle utilise la stratégie en trois étapes pour fixer sa limite clairement :
- "Quand tu me suis comme ça, je me sens menacée. Arrête de me suivre."
- Elle adopte une posture affirmée, le regard droit et les mains prêtes à défendre son espace.
Si l’homme ignore la limite et continue d’insister, elle utilise la stratégie du "Disque brisé".
- Elle répète fermement sa consigne sans entrer dans une discussion :
- "Arrête de me suivre." (pause)
- "Arrête de me suivre, reste où tu es !" (pause, augmentation du ton si nécessaire)
- Elle recule d’un pas tout en maintenant le contact visuel, signifiant qu’elle ne cèdera pas à la pression.
Si l’homme persiste ou tente de minimiser sa réaction ("Je voulais juste être sympa, détends-toi !"), elle ne se laisse pas manipuler.
- Elle n’argumente pas et ne justifie pas sa limite.
- Elle agit immédiatement pour créer plus de distance et assurer sa sécurité :
- Elle se rapproche d’un groupe de personnes ou entre dans un commerce.
- Elle appelle à l’aide si la situation s’intensifie.
Résumé pour une réaction efficace
- Fixer une limite claire tout en testant les intentions de l’autre.
- Éviter la confrontation physique tant que c’est possible.
- Réagir efficacement en cas de transgression, sans donner prise à la manipulation.
Si l’agresseur persiste malgré tout, vous savez alors qu’il ne respecte pas vos limites et vous pouvez alors passer à une réponse défensive adaptée à la situation. Voir l'article sur la Légitime défense pour connaître vos droits en la matière.
Conclusion : Prenez le contrôle de votre sécurité
L’autodéfense ne commence pas quand un agresseur vous touche, mais bien avant. En contrôlant la distance et en maîtrisant l’affirmation verbale, vous pouvez diminuer drastiquement le risque d’une confrontation physique.
Se défendre, c’est avant tout savoir prévenir.
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Gestion de la distance et autodéfense verbale