Se rendre au contenu

L’humain est-il fait pour rester assis au lieu de courir ? On fait le point

📖 Un article de Science & Vie relayait récemment les propos du professeur Daniel E. Lieberman de Harvard, selon lesquels « l’homme serait fait pour s’asseoir, pas pour courir ». Un titre intrigant… mais qui mérite une mise en contexte solide.


Chez Évolution Héroïque, on aime creuser au-delà des titres accrocheurs pour mieux comprendre notre nature, notre histoire, et comment mieux vivre aujourd’hui. Voici donc une analyse critique de ces affirmations à la lumière des faits scientifiques.



🧬 Ce que dit Lieberman : une lecture évolutionniste


Daniel E. Lieberman, professeur en biologie de l’évolution à l’Université Harvard, est mondialement reconnu pour ses travaux sur la locomotion humaine. Dans son livre Exercised: Why Something We Never Evolved to Do Is Healthy and Rewarding (2021), il remet en question l’idée que le sport est quelque chose de « naturel » pour l’être humain moderne.


Selon lui :


  • L’être humain n’a pas évolué pour faire du sport structuré comme on le connaît aujourd’hui. 
  • Nos ancêtres bougeaient par nécessité (marcher, grimper, chasser, porter) mais se reposaient dès que possible pour conserver leur énergie, ce qui était une stratégie de survie. 
  • Le repos, sous différentes formes (assise, accroupie, agenouillée, allongée), est essentiel à notre biologie. Mais la manière dont nous nous reposons aujourd’hui — souvent assis longtemps et sans bouger — est très éloignée des postures et du rythme de vie de nos ancêtres. Le véritable repos impliquait des changements fréquents de position, une activation posturale légère, et beaucoup plus de mouvement dans la journée.


Donc Lieberman ne dit pas que nous devrions rester assis toute la journée. Il explique simplement que nous n’avons pas évolué pour faire du sport « pour le plaisir », et que l’envie de rester inactif est profondément enracinée. Ce qui ne signifie pas qu’il faut nécessairement y céder.


👣 Une paresse naturelle… utile autrefois, problématique aujourd’hui


Cette idée est d’ailleurs soutenue par le Dr Sébastien Perron, médecin québécois, dans son ouvrage Ton médecin ne te guérira pas (2022). Il y explique que, d’un point de vue évolutionniste, l’être humain est programmé pour être paresseux, tout comme il est programmé pour être gourmand. Ces deux traits ne sont pas des défauts, mais des stratégies de survie : dans un environnement où il fallait dépenser énormément d’énergie pour obtenir des calories (chasse, cueillette, déplacements, agriculture non mécanisée), le repos permettait de conserver les forces, et la gourmandise d’emmagasiner des réserves en prévision des disettes.


Le problème, aujourd’hui, c’est que notre environnement a changé beaucoup plus vite que nos gènes : les aliments ultra-transformés et les emplois sédentaires abondent, mais notre cerveau n’a aucun mécanisme de frein intégré face à cette abondance. Il est donc parfaitement « normal » que le mouvement nous coûte un effort, et que le repos nous attire. C’est une forme de programmation biologique.


👉 Comprendre ces mécanismes permet de déculpabiliser nos tendances naturelles et de travailler avec notre biologie plutôt que contre elle. Cela rejoint les propos du professeur Lieberman sur l'importance de l'équilibre entre activité et repos, en intégrant le mouvement de manière régulière et adaptée à notre quotidien.


🏃 Pourquoi alors faire du sport ?


L’idée que « l’humain est fait pour s’asseoir » peut prêter à confusion. Car si le sport en tant que loisir ou performance est culturellement récent, l’activité physique et le mouvement sont eux-mêmes fondamentalaux pour notre santé.


 🔬 Les bienfaits scientifiquement prouvés de l’activité physique 


Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une activité physique régulière permet de :

  • Améliorer la santé cardiovasculaire et respiratoire. 
  • Prévenir et réduire la dépression, le stress et l’anxiété. 
  • Réduire les risques de diabète de type 2, de certains cancers et d’obésité. 
  • Maintenir une meilleure densité osseuse et prévenir les chutes. 
  • Allonger l’espérance de vie en bonne santé. 


👉 L’OMS recommande au moins 150 à 300 minutes d’activité modérée par semaine (marche rapide, vélo, natation, etc.), ou 75 à 150 minutes d’activité plus intense.


Que veut dire ces recommandations ?


Option 1 : activité d’intensité modérée:

👉 150 à 300 minutes par semaine 

= 30 à 60 minutes modérées par jour, 5 jours/semaine.


Option 2 : activité d’intensité élevée:

👉 75 à 150 minutes par semaine

= 15 à 30 minutes intenses par jour, 5 jours/semaine.


Il est aussi possible de combiner les deux : l’OMS considère que 1 minute intense = 2 minutes modérées.


Mon exemple expliqué

Voici, en moyenne, les activités physiques que je fais (en dehors de l'hiver):

- 🏃‍♀️ Course 3×20 min/semaine = 60 min d’intensité élevée 

- 💃 Zumba 1h/semaine = 60 min d’intensité modérée à élevée 

- 🥋 Jiu-jitsu 1h/semaine (modéré) = 60 min modéré 

- 🚲 Transport actif 10 à 20 min/jour (marche et vélo) ≈ 70 à 140 min/semaine modéré


Total estimé par intensité :

- Modérée = ~225 min 

- Élevée = 60 min

Donc, je dépasse les 150 min modérées et j’atteins aussi l’équivalent de 75 min d’intensité élevée (grâce à mon surplus d'activités modérées), je suis dans les recommandations de l’OMS ! 🎉 


Et toi, où te situes-tu ? 


Quelle intensité pour quelle activité ?


🟡 Faible : respiration normale, aucun effort ressenti.

   

🟠 Modérée : respiration accélérée, sueur légère, on peut quand même parler pendant l'effort.

   

🔴 Élevée : respiration difficile, sueur abondante, difficile de parler.




⚠️ Le piège du culte du sport


L’article de Science & Vie a raison de pointer un phénomène socioculturel croissant : le culte de la performance physique.


Avec les réseaux sociaux, les salles de sport, les montres connectées et les « challenges » santé, le sport est parfois devenu une source de comparaison, d’addiction ou de pression sociale, plutôt qu’un outil d’épanouissement.


Un entraînement trop intense, mal encadré, ou motivé uniquement par l’apparence peut mener à :

- du surentraînement, 

- des troubles du comportement alimentaire, 

- ou une perte de sens dans la pratique.


Mais ce problème vient de notre rapport au sport, pas du sport lui-même. Cela ne doit pas devenir un argument voire une excuse pour ne pas bouger. Car, dans le mouvement, chaque pas compte !

   


⚖️ L’équilibre : entre mouvement et repos


Le professeur Lieberman rappelle l’importance de l’équilibre entre activité et repos, plutôt que la course à la performance. Voici les recommandations pour retrouver un rapport sain au mouvement, respectueux de nos besoins physiques, émotionnels et intellectuels.


Limiter le temps assis sans pause 

Les recommandations varient légèrement selon les sources, mais toutes s’accordent sur la nécessité de bouger fréquemment. Ainsi, selon l’American Heart Association, l’OMS, ou encore le Bureau canadien de santé publique, il est nécessaire de se lever toutes les 30 à 60 minutes. De même, une étude de l’Université de Columbia (2023) suggère que 5 minutes de marche légère toutes les 30 minutes assis améliorent la glycémie, la tension artérielle et  l’humeur.


De plus, lorsqu'on travaille devant un écran, il est même recommandé par de nombreux ophtalmologistes de détourner le regard de l'écran pendant au moins 20 secondes, toutes les 20 minutes, en regardant à 20 pieds (6 mètres) de distance. Cela permet de relâcher les muscles oculaires et de limiter la sécheresse.


Enfin, la méthode Pomodoro, créée par Francesco Cirillo, sur des cycles de 25 minutes de concentration, suivis de 5 minutes de pause. Après 4 cycles (≈ 2 heures), on prend une pause plus longue (15 à 30 min). Cette méthode est très efficace pour améliorer la concentration, la mémoire de travail, la motivation et la gestion de la fatigue mentale.


👉 Ainsi, pour ceux qui travaillent assis à un bureau, devant un écran, il peut être très bénéfique, pour différentes raisons, de structurer le travail en blocs de 25 min, avec des pauses courtes et actives de 5 min et inclure une plus longue pause active de 15-30 min toutes les 2h.


Viser la marche comme première étape

Lorsqu’on cherche à intégrer davantage de mouvement dans sa journée, la marche reste le point de départ le plus simple et accessible. Contrairement à la croyance populaire des "10 000 pas par jour", ce chiffre est né d’une campagne marketing japonaise dans les années 1960, sans fondement scientifique à l’origine. Aujourd’hui, des études plus récentes (Paluch et al., 2021), montrent que marcher environ 7 000 pas par jour est déjà suffisant pour réduire considérablement le risque de mortalité prématurée chez les adultes.


Daniel Lieberman rappelle d’ailleurs que le plus important est de bouger régulièrement, et non d’atteindre un chiffre précis. L’activité physique a un effet cumulatif : chaque pas compte. Pour quelqu’un de sédentaire, viser 10 000 pas dès le départ peut être décourageant. À l’inverse, se fixer des objectifs progressifs — comme passer de 3 000 à 5 000, puis à 7 000 pas — est une approche beaucoup plus réaliste et durable.


Marcher est gratuit, doux pour les articulations, bénéfique pour le cœur, l’humeur, la concentration et même la digestion. Et pour ceux qui atteignent déjà 10 000 pas régulièrement, il n’y a aucune inquiétude à avoir : ce n’est pas délétère. Au contraire, tant que la marche est intégrée sainement dans une routine équilibrée, elle demeure l’un des meilleurs investissements pour la santé à long terme.


Intégrer le mouvement naturel au quotidien

Chez Évolution Héroïque, nous privilégions le terme de « mouvement » à ceux d’« activité physique » ou de « sport », car il englobe une variété d’actions simples et accessibles qui peuvent être intégrées naturellement dans notre quotidien. Des gestes tels que marcher, porter des charges (porter son épicerie de la semaine ou son petit dernier de 1 an en porte-bébé), jardiner, jouer activement (avec ses enfants par exemple) ou simplement se lever régulièrement sont autant d'occasions de bouger sans nécessairement s'engager dans une routine sportive formelle.


Le Dr Sébastien Perron, dans son ouvrage Ton médecin ne te guérira pas, met en lumière l'importance de ces mouvements de base. Il souligne que notre corps est conçu pour effectuer des actions fondamentales telles que la poussée, la traction, la torsion, la flexion, l'extension, la rotation et la locomotion. Ces mouvements sont essentiels pour maintenir notre autonomie et notre bien-être au fil du temps.


De son côté, le Dr Peter Attia, dans Outlive, insiste sur la nécessité de préserver notre capacité à réaliser des mouvements fonctionnels tout au long de notre vie. Il propose le concept du "décathlon du centenaire", une série de dix mouvements ou tâches que nous devrions viser à accomplir même à un âge avancé, tels que se lever du sol sans assistance, porter des sacs d'épicerie sur une certaine distance ou monter des escaliers. L'objectif est de maintenir une qualité de vie optimale en conservant notre mobilité et notre force physique.


En intégrant ces mouvements naturels dans notre routine quotidienne, nous favorisons une approche durable et réaliste de l'activité physique. Il ne s'agit pas nécessairement de s'engager dans des séances d'entraînement intensives, mais plutôt de bouger régulièrement de manière adaptée à notre mode de vie. Cela peut inclure des activités simples comme prendre les escaliers, jouer avec ses enfants, jardiner ou effectuer des tâches ménagères.


Ce n’est d’ailleurs pas qu’une intuition : une étude fascinante menée en 2007 par les chercheuses Alia Crum et Ellen Langer à Harvard a démontré que la perception que nous avons de notre propre activité physique influence réellement notre santé. Elles ont suivi des femmes de ménage travaillant dans des hôtels et ont observé que celles à qui l’on avait simplement dit que leur travail comptait comme une forme d’exercice ont perdu du poids, réduit leur tension artérielle et amélioré leur composition corporelle… sans avoir changé quoi que ce soit à leur routine ! Cela illustre le pouvoir de notre état d’esprit : quand on reconnaît la valeur de nos mouvements quotidiens, aussi banals soient-ils, notre corps en retire plus de bénéfices. D’où l’importance de revaloriser ce que nous faisons déjà et de ne pas minimiser les efforts que notre quotidien exige.


En adoptant cette perspective, nous reconnaissons que chaque mouvement compte et contribue à notre santé globale. L'essentiel est de rester actif de manière cohérente et adaptée, en intégrant le mouvement de façon naturelle et agréable dans notre quotidien.


L'importance de la récupération après l'effort

La récupération est une composante essentielle de toute routine d'activité physique. Elle permet au corps de se réparer, de s'adapter et de se renforcer après l'effort. Négliger cette phase peut entraîner une accumulation de fatigue, augmenter le risque de blessures et freiner les progrès.


Les stratégies de récupération efficaces incluent :

- Repos actif : Des activités légères comme la marche ou le yoga favorisent la circulation sanguine et aident à éliminer les déchets métaboliques accumulés pendant l'exercice .

- Hydratation : Boire suffisamment d'eau est crucial pour compenser les pertes hydriques dues à la transpiration et pour faciliter les processus métaboliques de récupération.

- Nutrition adéquate : Consommer des protéines et des glucides après l'effort aide à réparer les tissus musculaires et à reconstituer les réserves d'énergie .

- Sommeil de qualité : Le sommeil profond est le moment où le corps libère des hormones de croissance, essentielles à la réparation musculaire et à la récupération globale.


En intégrant ces pratiques dans votre routine, vous optimisez non seulement votre récupération, mais vous améliorez également vos performances et votre bien-être général. Pour plus de détails pour chacun de ces aspects, il est possible de voir ce qui est proposé dans le programme Évolution Héroïque.


La vraie question n’est pas : faut-il faire du sport ?

Mais : quels mouvements et activités servent vraiment ma santé, mon équilibre et ma joie de vivre ?


Il ne s’agit pas de « doser » le sport comme une potion magique, mais de retrouver un rapport sain au mouvement, respectueux de nos besoins physiques, émotionnels et intellectuels.


Chez Évolution Héroïque, on t’invite à :


- Bouger par curiosité, par jeu ou pour connecter, comme dans notre groupe Femmes en Confiance.

   

- Explorer ton propre rythme et progresser par incréments (viser des petites étapes facilement réalisables, mais qui permettent une réelle progression).

   

- Intégrer du mouvement dans ton quotidien sans te comparer aux autres, mais simplement en constant et célébrant ta propre progression.

   

- Voir le repos actif comme un allié, pas comme une faiblesse.

   


✨ En conclusion : bouger pour mieux vivre, pas pour performer plus


Oui, nous avons évolué pour économiser notre énergie, mais aussi pour bouger intelligemment. Ce que nous dit la science, c’est que le corps humain fonctionne mieux quand il bouge modéremment et souvent, et qu’il alterne avec des moments de repos actifs.


👉 La sédentarité prolongée est un facteur de risque majeur pour la santé, au même titre qu’une alimentation déséquilibrée ou le tabac. 

👉 Mais l’hyperactivité sportive ou l’obsession de la perfection n’est pas une solution non plus.


Ce que notre époque a de mieux à offrir, c’est la connaissance. À nous de la transformer en sagesse pour améliorer notre confiance physique.


---


🔁 Pour aller plus loin :


Daniel E. Lieberman, Exercised - Why something we never evolved to do is healthy and rewarding, Pantheon Books, 2021.


Sébastien Perron, Ton médecin ne te guérira pas, Saint-Jean Éditeur, 2022.


Peter Attia, Outlive: The Science and Art of Longevity, Harmony Books, 2023.


OMS : Recommandations sur l’activité physique 


Paluch, A. E., et al. (2021). Steps per Day and All-Cause Mortality. JAMA Network Open, 4(9): e2124516.


Diaz, K. M., et al. (2023). Breaking Up Prolonged Sitting to Improve Cardiometabolic Risk: Dose-Response Analysis of a Randomized Cross-Over Trial. Medicine & Science in Sports & Exercise. (https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36728338/)


Crum, A. J., & Langer, E. J. (2007). Mind-Set Matters: Exercise and the Placebo Effect. Psychological Science, 18(2), 165–171. (https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36728338/)

Owen, N., et al. (2010). Too Much Sitting: The Population-Health Science of Sedentary Behavior. Exercise and Sport Sciences Reviews, 38(3), 105–113. DOI: 10.1097/JES.0b013e3181e373a2

 Raichlen, D. A., et al. (2020). Hunter-Gatherer Energetics and Human Obesity. Obesity Reviews, 21(3): e12966. DOI: 10.1111/obr.12966


Texte écrit par Élisabeth Varennes, avec l'aide de CharGPT 4o. © 2025-05-18

L’humain est-il fait pour rester assis au lieu de courir ? On fait le point
Évolution Héroïque, Élisabeth Varennes 18 mai 2025
Partager cet article
Étiquettes
Archive
Se connecter pour laisser un commentaire.