Cet article est un article d'opinion.
Imaginez-vous, vous réveillez le matin, et n'avoir pas de stress... Du moins, pas le stress financier de savoir si vous aurez assez d'argent pour manger aujourd'hui. Ou pour vous loger ce mois-ci. Ou tout simplement pour assurer votre subsistance.
« Moi, je n'en ai pas besoin »
Vous faites peut-être partie des chanceux qui ne vivent pas (ou peu) ce type de stress. Vous vous dites que vous faites partie de ceux « qui ont réussi ». Et j’espère sincèrement que vous appréciez votre chance ! Oui, bien sûr, vous avez sûrement « travaillé dur » pour arriver à cette paix d’esprit. Mais dites-vous qu’il y a toujours une part de chance. Ou plutôt, une part de conditions favorables qui peuvent avoir facilité votre parcours : vous êtes peut-être un homme, et/ou blanc, et/ou issu d’un milieu social relativement favorisé, et/ou vous avez eu accès à une éducation de qualité, etc.
Bien entendu, on peut « réussir » sans remplir aucun de ces critères. Tout comme on peut ne pas y arriver malgré eux. Mais disons que ces facteurs rendent statistiquement la réussite plus accessible.
Définir la subsistance
Revenons-en au revenu minimum garanti (RMG). Ou peu importe le nom qu’on lui donne : revenu de base, revenu universel, revenu citoyen... L’idée est toujours la même : un apport financier stable, constant, accessible à TOUS, sans condition de travail préalable. Le montant de cet apport est sujet à débat. Personnellement, je crois qu’il devrait correspondre à un montant de subsistance. Et ce montant, par nature, varie selon le lieu. Il ne coûte pas la même chose de subvenir à ses besoins à Stockholm, à Montréal, à Dakar ou à Carleton-sur-Mer en Gaspésie.
Qu’on parle de revenu de base, de décroissance (ou plutôt de post-croissance, terme que je préfère) ou de toute idée visant à ralentir le capitalisme actuel, il devient essentiel de définir la subsistance. Pour moi, la subsistance, c’est ce dont chaque être humain a besoin pour couvrir ses besoins de base et ceux de ses proches à sa charge, afin de vivre décemment et de pouvoir s’épanouir, individuellement et collectivement. Ces besoins peuvent se classer en grandes catégories : alimentation, logement, santé, éducation, transport… et possiblement d’autres. Mais surtout, ils doivent être définis régionalement, car les réalités géographiques influencent profondément les coûts de chacun de ces postes. Par exemple : vivre en Gaspésie sans voiture est encore très difficile. Une voiture par famille me semble souvent indispensable. Alors que dans les grandes villes comme Montréal ou Lyon, j’ai personnellement vécu plusieurs années en n’utilisant que le transport collectif. Or, une passe de transport mensuelle coûte (je l’espère) beaucoup moins cher qu’un véhicule, son essence, son entretien et ses assurances.
RMG, pour qui ?
Une fois ce montant de subsistance défini, le RMG pourrait être versé à toute personne résidente fiscale : autrement dit toute personne vivant dans la région, déclarant ses revenus aux impôts, et donc ayant potentiellement une obligation fiscale. Cela exclurait les enfants mineurs (qui ne produisent pas de déclaration), mais inclurait les résidents temporaires et étrangers vivant ici, payant taxes et impôts. Ce modèle serait simple à gérer via l’ARC et Revenu Québec, et non discriminatoire, peu importe le statut migratoire ou l’emploi déclaré.
Je pense notamment aux femmes au foyer ou à temps de travail réduit, dont le travail à la maison n’est toujours pas reconnu comme tel, alors qu’il constitue une contribution colossale à l’économie domestique. Ainsi, si le travail non rémunéré des femmes était valorisé, il représenterait plus de 40 % du PIB dans certains pays. Grâce à elles, bien des hommes peuvent aller travailler 40 heures par semaine sans se soucier des repas, du lavage, des devoirs des enfants… Sans dire que je valide ce modèle, il faut reconnaître que c’est encore une réalité dans bien des foyers.
Oui, mais...
Maintenant qu’on a posé quelques bases, imaginons un monde, ou au moins un Québec, doté d’un revenu minimum garanti.
Imaginez : ne plus être aussi soumis à la pression de « faire de l’argent » selon les diktats de notre système. Pouvoir faire ce qui est important pour vous, sans craindre de perdre votre toit ou de manquer à manger.
Mais voici le fameux OUI MAIS, que tout le monde sort dès qu’on prononce les mots « revenu minimum garanti », ou leurs cousins : « bien-être social », « prestations familiales », etc.
– « Oui, mais si on paie les gens à ne rien faire, ils ne feront plus rien ! »
– « On ne va pas les payer pour rester sur leur divan à regarder la télé ! »
Alors voici ma réflexion en lien avec ce OUI MAIS...
Imaginez que vous avez trimé tout l’automne. Travaillé sans relâche. Supporté des collègues difficiles. Géré les enfants, la maison, la bouffe, le ménage. Et là, les vacances arrivent. Deux semaines dans le sud. Que ferez-vous ?
Probablement : vous asseoir sur une chaise longue, et ne rien faire. Et c’est bien normal !
Mais si les vacances duraient un mois ? Un an ? Cinq ans ?
Est-ce que vous resteriez allongé sans bouger pendant cinq ans ?
Peut-être pas. Une fois reposé, vous liriez ce livre que vous avez toujours voulu lire.
Vous vous remettriez peut-être à la musique. Ou à la peinture. Ou à ce projet qui vous trotte dans la tête depuis des années. Vous irez même peut-être faire du bénévolat dans un organisme dont la mission vous tient à coeur!
Faire ce qui compte vraiment
C’est pareil avec le RMG : oui, certains stopperaient tout, au moins temporairement. Puis la plupart ralentiraient le rythme. Mais dans une société où près de 70 % des gens passeront un jour ou l’autre par un "trou noir", selon la chercheuse Sonia Lupien (trouble anxieux, burnout, dépression), peut-on vraiment leur en vouloir ? Le problème, ce n’est pas tant les gens qui « ne savent pas gérer leur stress »… C’est le stress systémique imposé par notre mode de vie.
Et pourtant, nous vivons dans une société dite « d’abondance ». Nous avons, en théorie, les ressources pour nourrir, loger, soigner et éduquer toute la population mondiale. Mais encore faut-il redéfinir ce qui est "nécessaire" (subsistance) et ce qui est superflu, comme je l'ai mentionné. Et, bien sûr réduire les inégalités d'accès à ces ressources. Mais ça, c'est un autre sujet.
Alors, une fois que le stress de devoir survivre au jour le jour serait enlevé de nos épaules, nous serait-il possible de redéfinir au niveau individuel et sociétal, ce qui est important ou pas de faire pour nous?
Vous êtes vous déjà posé ces questions :
- Si j'étais payé.e pour faire ce que je veux, qu'est-ce que je ferais ?
- Comment j'occupe mes samedis ou dimanches matin, quand je ne dois rien à personne et que je ne suis pas juste en train de récupérer d’une semaine exténuante ?
Ce sont des questions qu’on repousse, qu’on évite parfois… parce qu’on n’a même plus l’espace mental pour y réfléchir. Mais dès qu’on soulage une partie du stress financier de subsistance, ces questions émergent naturellement. Et elles révèlent une chose essentielle : la plupart des humains ne choisiraient pas de ne rien faire de leur vie.
Ils choisiraient peut-être de vivre plus lentement et pleinement. De créer, de prendre soin, de s’investir autrement. De vivre de façon plus alignée avec leurs valeurs, finalement.
Alors, quand est-ce qu'on lui donne une chance, pour de vrai, à ce revenu minimum garanti ?!?
Sources pour appuyer cet article
- https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/en/tv.action?pid=1310087501
- https://en.wikipedia.org/wiki/Minimum_Income_Standard
- https://www.living-income.com/the-concept/
- https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/13-605-x/2022001/article/00001-fra.htm
- https://www.unwomen.org/en/news-stories/statement/2024/10/care-a-critical-investment-for-gender-equality-and-the-rights-of-women-and-girls
- Sonia Lupien, Par amour du stress (2010) et ses travaux au Centre d’études sur le stress humain – https://stresshumain.ca/
- https://www.theguardian.com/global-development/2022/nov/15/can-the-world-feed-8bn-people-sustainably
Et si le revenu minimum garanti existait